Projet « Le dessin et la représentation de l’espace »

Projet « le dessin et la représentation de l’espace »

Depuis la Renaissance, représenter l’espace est un véritable enjeu de civilisation. Le dessin y joue un rôle fondamental qui a été très peu analysé, en grande partie à cause de la domination culturelle de la perspective à point de fuite et des techniques associées (photo, cinéma, images de synthèse,…). Ce projet propose donc de revenir aux sources de la représentation de l’espace, en étudiant la pertinence du dessin dans le contexte scientifique actuel.

Dès que l’on y pense d’une façon abstraite, la notion d’espace est le plus souvent associée à des formes géométriques simples (cube, parallélépipède rectangle, sphère, cercle,…) qui constituent le vocabulaire de base de la géométrie euclidienne, et bien souvent de l’architecture. En revanche, si l’on s’intéresse à la représentation des êtres vivants et des éléments naturels, ces formes idéales n’ont plus grand intérêt. La première partie de ce travail consiste donc à définir l’espace du dessin scientifique, sur la base d’exemple principalement dédiés à la représentation des êtres vivants. Cet axe de travail fait apparaître une façon de créer l’espace à partir des corps, plutôt que de considérer les corps comme plongés dans un espace préexistant.

Cilium_mouche_allongé

Illustration : senseurs de la drosophile

L’identification de l’espace du dessin scientifique comme espace commun aux corps représentés a des conséquences opérationnelles directes. En image fixe, cette approche permet au dessin scientifique de faire appel à l’imaginaire spatial du spectateur de façon beaucoup plus souple, et avec une ouverture graphique bien plus riche que les approches strictement 3D ou strictement 2D. En image animée, elle permet d’exploiter tout le potentiel de techniques d’animation numériques sous-utilisées comme le morphing. Enfin, elle permet de réintégrer le dessin dans les problématiques actuelles de relief, d’immersion et de coprésence abordées dans l’équipe « Spatial Media ».

Ces travaux ont pour but de constituer une étude de référence à destination de tous les acteurs de la transmission des sciences. En offrant une alternative au formalisme visuel, ils fournissent les exemples d’une « éducation à la déformation » souhaitée par Gaston Bachelard dans « La philosophie du Non », à la suite des grandes remises en cause scientifiques du début du XXème siècle.
Grâce à une conception de l’espace nettement distincte de la perspective à point de fuite, ils permettent également d’apporter un regard nouveau l’histoire de l’art, en y intégrant le contrechamp du dessin scientifique.
Enfin, ils permettent de formuler les enjeux de représentation par le dessin sous une forme compatible avec le langage et les travaux des neurosciences, en particulier grâce aux avancées récentes sur la conscience de l’espace issues des travaux de John O’Kieffe, May-Britt et Edvard Moser.